14 janvier 2014

Zidane il a marqué

Aujourd'hui se clôt l'initiative citoyenne européenne pour un revenu minimum de base. Pour ceux qui n'auraient pas suivi l'affaire, nous avions un an pour réunir un million de signatures sur une pétition officielle et le Parlement Européen aurait eu l'obligation d'examiner la question d'un revenu minimum de base ou allocation universelle. Je ne reviendrai pas sur le principe de l'allocation universelle — cela me demanderait plus de travail que cette mini-chronique — mais je souhaite marquer le coup tandis que l'initiative citoyenne touche à son terme. Parce que même si l'on suppose que de nombreuses signatures papier n'ont pas encore été comptabilisées, on n'atteindra pas la barre des trois cent mille signatures. Oui, trois cent mille sur un million.
Le 12 juillet 1998, l'équipe de France de football remportait une victoire historique en coupe du monde. Dès le résultat connu, environ un million et demi de supporters sont descendus spontanément dans la rue et ont défilé sur les Champs Élysées pour célébrer l'événement. Alors voilà. Le constat est sans appel. Il y a cinq fois plus de Parisiens prêts à sortir dans la nuit pour remercier onze pelés d'avoir fait leur boulot correctement que de citoyens dans toute l'Union Européenne disposés à sacrifier dix minutes de leur vie pour avoir une chance de recevoir du pognon tous les mois sans rien avoir à faire. En France, nous sommes moins de quarante mille à avoir signé : même pas un demi-stade de foot, où pourtant les gens payent pour avoir le droit de venir.
Parce que voilà. Il y a des gens qui profitent grassement du dévoiement de l'économie de marché que l'on appelle capitalisme et je comprends fort bien qu'ils soient opposés à une mesure qui aiderait à sortir l'économie de marché de cette ornière. Je peux recevoir l'argument des craintes de certains quant au financement d'une telle allocation — et je leur répondrais que cela n'empêche pas de signer la pétition, puisqu'elle oblige seulement le Parlement Européen à examiner la possibilité de mettre en place un tel système : aucun engagement sur un mode donné de fonctionnement, donc. Mais ce que je ne comprends pas, ce sont les indifférents. Les gens sont-ils donc à ce point dénués d'égoïsme que la perspective de toucher tous les mois de toute leur vie un petit quelque chose sans avoir à le mériter ne suffise pas à les convaincre de sortir leur carte d'identité et de remplir un formulaire sur Internet ? Les gens sont-ils à ce point abrutis pas la télé que même ça, ce soit trop leur demander ?!
Alors à tous ceux qui étaient au courant de l'initiative mais qui n'ont pas signé, non par conviction mais par flemme, je vous le dis, je vous le grogne, je vous le vocifère, je vous le vitupère et je vous l'agonis : « Je vous conchie. »

25 novembre 2013

L'État, c'est quoi ?

Au collège et au lycée, en principe, on reçoit des cours d'éducation civique. Bon, des fois, le prof d'histoire-géo en charge de cet enseignement en profite pour boucler le programme de sa propre matière. Des fois, il sait pas lui-même à quoi sert cette matière, alors il fait regarder des films. Mais quand même, des fois, les élèves reçoivent de vrais cours d'éducation civique. Où ils apprennent, par exemple, que le Parlement vote les lois.
Mais ces cours, c'est de la merde. Parce qu'on apprend des tas de trucs qui ne servent strictement à rien, comme le fait qu'il faut avoir au minimum 24 ans pour être élu sénateur : sérieusement, quel pourcentage de la population collégienne sera assez célèbre politiquement avant ses 24 ans pour briguer un mandat de sénateur ? Parce qu'en revanche, après sept ans d'éducation civique, la plupart des élèves ignore ce qu'est une commission parlementaire, n'a jamais entendu parler de question écrite au Gouvernement, est bien incapable d'expliquer la différence entre une loi et un décret, et si elle connaît le « 49-3 », c'est par les manifs lycéennes. Et au passage, elle s'imagine que l'adoption forcée de la loi est sans contrepartie...
Résultat, on se retrouve avec des gens qui ont le droit de vote, mais ne savent même pas quels sont les pouvoirs qu'ils accordent aux candidats qu'ils élisent. Des gens qui ont peur de la loi mais n'ont jamais ouvert un Journal Officiel de leur vie. Des gens qui viennent gueuler contre tous ces salauds de fonctionnaires de la Sécu. Manque de bol, y'a pas de fonctionnaire à la Sécu... Alors comme je suis moi aussi un fainéant d'agent de l'État, je vais vous expliquer un peu qui sont les fonctionnaires, comment ils travaillent, quel est leur mode de reprod... non ça on le laissera de côté.
Sauf que pour comprendre les fonctionnaires, il ne suffit pas de faire un comparatif avec les travailleurs du privé, ce serait passer totalement à côté des différences principales. C'est pourquoi, avant toute chose, je vais vous expliquer l'État c'est quoi.


Et après plus de deux longs mois d'absence, je suis de retour sur Alt-F4 avec un article sur les fonctionnaires, où l'on s'efforcera de comprendre pourquoi ce sont des fainéants !
Par ailleurs, le blog a bien grandi, on a maintenant publié presque tous les auteurs au moins une fois, alors n'hésitez pas et découvrez la richesse de ce téladiaire !

24 septembre 2013

Toubon 2.0

En 1994, au tout début des Internets donc, le Parlement a adopté une loi dite « relative à l'emploi de la langue française » bien vite renommée loi Toubon d'après son initiateur, le ministre de la culture de l'époque. Le but principal était de protéger notre belle langue contre les vilains anglicismes qui fleurissaient alors. Évidemment, à l'époque, tout le monde s'est foutu de la gueule de ce brave M. Toubon en le surnommant Mr Allgood. Les Français sont taquins... Mais cette loi n'était pas aussi débile qu'elle en a l'air. C'est elle qui oblige à l'utilisation du français sur les notices d'utilisation, sur les emballages de produits, dans le monde du travail et dans les contrats. Vous qui êtes de parfaits geeks et savez fort bien parler anglais, vous vous foutez bien sûr éperdument que votre paquet de pâtes ne soit écrit qu'en rosbif ou que votre patron vous fasse bosser dans la langue de Shakespeare. Fort bien. Imaginez maintenant que vous bossiez pour Samsung et qu'on vous colle entre les pattes un logiciel en coréen non-traduit. Ou que les informations pour porter réclamation sur votre billet d'avion d'une célèbre compagnie à bas prix (lowcost) soient uniquement en gaélique. Ça vous ferait moins rigoler, tout de suite, hein ? Heureusement, c'est illégal en France, alors on dit merci, merci M. Toubon.


La suite de cet article se trouve sur le blog collaboratif Alt+F4 auquel je participe depuis maintenant deux mois et qui vient d'ouvrir enfin ses portes. N'hésitez pas à aller regarder les articles des autres auteurs, ils sont bien aussi, même s'ils n'ont évidemment pas ma classe légendaire, mon goût indiscutable ni surtout ma modestie abyssale. Hrum. Bref, bonne lecture.

3 juillet 2013

Cruda verba

Et bien voilà, aujourd'hui nous avons atteint le stade fatidique de 1000 visites sur ce blog. Je tiens à remercier tous mes lecteurs, mais plus encore blogsrating.pw (ne suivez pas le lien) : sans ton spam incessant, rien de tout cela n'aurait été possible.

Alors pour réjouir tout le monde, je vais vous parler de grivoiseries, ou plutôt de mots pour en parler. En français, lorsque l'on veut parler de basses fonctions corporelles sans être trop vulgaire, on utilise beaucoup de mots latins (pénis, anus) ou empruntés directement à icelui (déféquer, uriner, vagin). À tel point qu'au XVIIe siècle, « faire du latin » était une manière détournée de dire qu'on allait « faire des chocapics ». Mais en latin même, ces mots étaient des euphémismes : « penis » signifie « queue », « vagen » signifie « fourreau », etc. Pourtant, cette belle langue de nos ancêtres possédait un vocabulaire riche et varié, parfois même plus que le nôtre, pour parler de ces choses-là. Certains mots sont parvenus jusqu'à nous : foutre, con, cul, couilles ou encore merde nous arrivent directement du Ier siècle avant JC. La plupart ont disparu ou n'appartiennent plus qu'à la langue ultra-littéraire. Je vous propose un petit tour de la question, où nous verrons comment les mots auraient pu évoluer.

À tout seigneur tout honneur, parlons de bite. Le latin possède deux mots pour cela : « mentula, ae » et « verpa, ae ». Le second est assez rare, et donnerait *verpe en français, ce qui ressemble par trop à verge. Le premier est plus intéressant. Il a été emprunté au XVIe siècle sous la forme mentule, qui existe toujours de nos jours, mais est vieillotte. Il est difficile de savoir avec certitude comment le mot aurait évolué naturellement, mais on peut se fonder sur l'italien où le mot existe encore sous la forme minchia : l'équivalent français serait sans doute *mencle.
Le latin possède également le mot « sōpio, ōnis », qui désigne un dessin d'un homme avec une énorme bite : en français, ce serait devenu un *soujon, sur le modèle de goujon < gōbio, ōnis. Mesdames, vantez-vous auprès de vos amies d'avoir un soujon à la maison, ce sera du plus bel effet !
Le mot clitoris, lui, vient du grec. Cela s'explique par le fait que le mot latin « landīca », de même sens, était extrêmement vulgaire : même les auteurs les plus portés sur la gaudriole l'évitaient, on n'en trouve la trace que sur des graffitis. Il a pourtant perduré jusqu'en ancien français, sous la forme landie. Le dictionnaire Godefroy cite cet extrait du Roman de Renart : « Les dames l'apelent lendie // Por ce qu'ele est enmi le con. » = « Les dames l'appellent landie // Parce qu'elle est au milieu du con. » Messieurs, avouez que c'est un mot plus glamour que clito...

Nos ancêtres possédaient un riche vocabulaire autour de la sodomie. Ainsi, ils opposaient « pathicus, ī » et « paedīco, ōnis ». Le premier est un sodomite passif, et le second est un sodomite actif : il est important de noter que le deuxième partenaire peut être aussi bien un homme qu'une femme, dans un cas comme dans l'autre. Les mots, s'ils se fussent transmis au français, seraient devenus respectivement *péique et *pédillon. Ce dernier vient du verbe « paedīco, āre », signifiant simplement enculer, et qui donnerait en français *pédiller. Si l'on veut parler d'un homme qui ne se fait enculer que par des hommes, le terme était alors « cinaedus », ce qui aurait évolué en *cénoid, que l'on peut orthographier *cénoit pour bien marquer que la consonne finale est purement orthographique.
Dans le même ordre d'idée, ils utilisaient une belle paire de verbes pour signifier « se faire fourrer, remuer les hanches », ce que les anglophones disent « grind ». Il s'agit de « cēveo, ēre » et « criso, āre » : le premier s'applique uniquement aux hommes, et le second uniquement aux dames. Le second donnerait criser en français, et ne peut donc plus être utilisé. On devra donc se contenter de *cevoir, à conjuguer comme son grand frère recevoir, pour les deux sexes.

Pour les fonctions excrétrices, le latin connaissait « meio, ere » et « mingo, ere » pour pisser, et « cunio, īre » pour chier. Meio ne donnerait rien en français, en revanche mingo pourrait donner *meindre sur le modèle de feindre qui vient de fingo. Quant à cunire, cela serait devenu tout simplement *conir, sympathique verbe du deuxième groupe.
Enfin, pour terminer en beauté, je vous présente le mot « tribas, adis » qui signifie lesbienne. C'est un emprunt au grec, dans laquelle langue il signifie « frotteuse », car les goudous se frottent la moule. Au XVIe siècle, on l'a emprunté sous la forme tribade, qui est tout à fait utilisable. S'il avait évolué normalement, il aurait pu donner *troide, qui aurait été trop proche de Troade, ou plus vraisemblablement *troive.

Vous voici désormais armés d'une petite dizaine de mots pour parler de conchoncetés l'air de de ne pas y toucher, ce qui est toujours bon à prendre. Et pour ceux qui se poseraient la question, oui, les formulations ambiguës dans le corps du texte sont volontaires. Et si cela ne vous plaît pas, aller donc vous faire pédiller !

23 juin 2013

De l'importance de s'abreuver à la source

Dès lors qu'un débat politique agite la scène française, la toile et les médias s'emplissent d'articles nombreux pour en commenter tel ou tel aspect. Et nos politiques profitent de la moindre occasion pour venir parler de leurs idées et de leurs projets, que ce soit une interview sur Europe 1 ou comme plus récemment, une tribune dans le Nouvel Observateur. Ici, dix députés « en colère » font des propositions pour moraliser la vie politique. En vérité, je vous le dis, vous pouvez mettre cet article à la poubelle, car il n'a aucun intérêt. En effet, la seule certitude quant à ce qu'un député a réellement l'intention de faire, ce sont les propositions de loi qu'il fait et celles qu'il approuve par son vote. Et c'est là que le bât blesse. Voyez la proposition de Bruno Le Maire : obliger les hauts-fonctionnaires à démissionner de la fonction publique lorsqu'ils entrent au Parlement, pour limiter les conflits d'intérêt. Sur le principe, surtout défendue dans les termes qu'il utilise, elle a l'air bien cette idée. Sauf que la loi que Le Maire propose à l'adoption, c'est celle-ci. Regardez bien l'article 3. Oui, vous avez bien lu, ce ne sont pas seulement les hauts-fonctionnaires, mais bien tous les fonctionnaires sans exception qui doivent démissionner. Si ma secrétaire de mairie veut être parlementaire, elle devra quitter la fonction publique. Comment ? Un fonctionnaire de base devra repasser un concours — plus des entretiens d'embauche pour les fonctionnaires territoriaux — pour revenir dans la FP en fin de mandat, tandis qu'un haut-fonctionnaire, choisi de manière discrétionnaire, n'aura besoin que de potes au Gouvernement pour revenir ? Allons, Monsieur Le Maire n'y a absolument pas pensé, voyons ! Ce n'est pas du tout une loi contre les fonctionnaires, ce ne serait pas le genre d'un ancien ministre de Sarkozy...
Par cet exemple, je veux vous engager à vous initier un peu au droit, et à toujours aller regarder la loi, sans écouter ce que les politiques en disent. C'est le seul moyen de ne pas vous faire entuber.

10 juin 2013

Vite ... saute sous la douche !

Ben oui, c'est la suite logique de « Ciel mon fasciste ». Suite à de récentes discussions, et puisque une petite piqûre de rappel ne peut pas faire de mal, je m'en vais m'étendre sur quelques considérations concernant les électeurs du Front National qui méritent d'être à nouveau explicitées. Pour la commodité du discours, et parce que j'aime me la péter, je vais jouer à Platon : comprendre que je vais vous poser des questions et y répondre à votre place. Oui, c'est comme ça.

Tous les électeurs du FN sont-ils semblables ?

Non. Ce devrait être une évidence, mais visiblement, c'est plus difficile que prévu à faire admettre. Aux dernières élections, le FN représentait 13 % de l'électorat français, soit plus que le Front de Gauche. Quand on voit la diversité des tendances au sein de la direction même du PS, de l'UMP ou du FdG, comment peut-on envisager un seul instant que près d'un sixième des votants de France soient tous animés par les mêmes motivations, soutiennent les mêmes idées, préconisent les mêmes solutions ? Cette évidence est d'autant plus importante à rappeler lorsque l'on parle du Gard ou du Vaucluse, où les frontistes peuvent représenter jusqu'à 40 % des électeurs. Il n'y a pas grand chose en commun entre l'étudiant obligé de vivre dans les quartiers nord de Marseille faute d'avoir les moyens d'habiter ailleurs, le paysan de l'Aisne qui n'a jamais vu un étranger de sa vie, et le cadre du FN qui réside dans sa propriété familiale de Saint-Cloud. Pourtant, tous les trois ont voté pour Marine Le Pen. Mais pour des raisons différentes.

Le frontiste moyen est-il intégralement en accord avec les thèses du FN ?

Non. Cela paraît absurde rien qu'en le disant. De même que le socialiste moyen n'est pas d'accord avec toutes les positions du bureau national, que l'umpiste moyen aurait bien du mal à être entièrement d'accord à la fois avec Fillon et Copé, et que le militant du NPA se reconnaît justement au fait d'être en désaccord avec ses dirigeants (c'est une blague !), de même, le frontiste moyen est gêné aux entournures par certaines prises de position de la famille Le Pen. Vous qui avez voté PS en 2012 — je m'adresse à ceux qui ont voté utile, pas aux encartés — étiez-vous sincèrement partisan de chacune des soixante propositions de Hollande ? On reproche en particulier au frontiste moyen certaines thèses très brunes du bureau central du FN, révélées notamment par le reportage en immersion de Claire Checcaglini. Peut-on honnêtement condamner un électeur pour des idées de ses élus qui n'avaient précisément pas vocation à être divulguées ? Peut-on condamner en bloc les électeurs de l'UMP à cause de Patrick Buisson ? Peut-on condamner en bloc les électeurs du PS ou du Front de Gauche pour quelque conviction de Hollande ou de Mélenchon que ceux-ci se gardent bien d'exprimer, de peur d'effaroucher l'opinion publique ? Mais, me direz-vous, peut-être le frontiste moyen les partage-t-il ces idées !

Y a-t-il des xénophobes parmi les frontistes moyens ? Et des néo-nazis ?

Oui, indubitablement. Quand une des mes connaissances frontistes m'affirme les yeux dans les yeux que le vomi d'Arabe est plus dégoûtant que le vomi d'Européen, il s'agit sans doute possible de xénophobie. Mais il faut garder en tête que les xénophobes ne sont pas tous au Front National. Quand un ministre UMP publie une circulaire appelant à la répression « principalement des Roms », c'est de la xénophobie. Quand SOS Racisme considère qu'être noir ou basané est un motif suffisant pour se faire plus aider qu'un Européen, c'est de la xénophobie. Plus insidieuse, mais de la xénophobie quand même. Quand un jeune d'origine maghrébine traite un autre jeune d'origine européenne de « fils de pute de sale juif », c'est aussi de la xénophobie. Quant aux néo-nazis, il y en a aussi au FN : quelques uns ont eu l'idée saugrenue de s'en vanter. Mais en général, le nazillon moyen considère que les frontistes sont des couilles molles : lui milite plutôt au Bloc Identitaire ou au GUD.

Que recherche réellement le frontiste moyen ?

Un bouc émissaire. Le monde est éminemment complexe et nombreux sont ceux à qui l'on peut donner une part de responsabilité dans sa misère. Mais déterminer quelle part en est imputable à chacun, que voilà une tâche titanesque ! Si les plus fins analystes de ce monde n'y sont pas parvenus, comment reprocher à des esprits plus simples de chercher une solution plus simple ? C'est humain. En vérité, c'est plus que cela : nos amis les chimpanzés pratiquent eux aussi la technique du bouc émissaire. Et si l'on se regarde en face, on a tous ce travers : au FN on s'en prend aux Arabes, à l'UMP on conspue ces fainéants d'assistés, au PS on vitupère contre ces maudits banquiers, au FdG on vilipende ces salauds de riches, et au NPA on voudrait pendre le dernier patron avec les tripes du dernier curé. Et tant pis pour mon traiteur libanais parfaitement intégré, pour les ouvriers de PSA qui ne demandent qu'à bosser à condition que leur usine ne soit pas délocalisée en Roumanie, pour le banquier qui m'a déconseillé d'ouvrir un PEL alors que sa banque avait besoin d'argent, pour tous les mécènes de France et de Navarre et pour les dirigeants d'entreprise coopérative : on ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs. Et tant pis si au fond on sait que ça ne réglera pas tous nos problèmes, il sera toujours temps de trouver un nouveau bouc émissaire...

Que reproche-t-on réellement au wesh ?

Avant toute chose, il faut préciser le sens du mot wesh. Un wesh, c'est ça : http://imgur.com/Kcq1LnI. Il faut donc le distinguer de l'Arabe (http://imgur.com/SA29bL1) et du gros con (http://imgur.com/SAX8lRj) : il appartient aux deux catégories, mais n'en est pas représentatif.
La petite et moyenne délinquance. Pour ce qui est de la petite, elle a toujours existé. Du temps de mon grand-père, des groupes de jeunes hommes venaient régulièrement mettre le dawa dans les balèti, et ce n'étaient pas des étrangers. J'ignore si l'oisiveté est mère de tous les vices, mais assurément, quand on ne fait rien de ses journées, non parce qu'on ne veut rien faire mais parce qu'on ne peut rien faire (pour les quinze mille habitants de mon bled, le cinéma le plus proche est à vingt kilomètres et coûte plus de dix euros la séance), il faut bien trouver de quoi occuper son esprit. Quant à la moyenne délinquance, elle ne concerne qu'une minorité, en général une seule bande dans toute une cité. On comprend aisément les motivations de ces gens : ils n'auraient jamais eu les moyens de se payer leur Mercedes chevrolet avec un salaire d'éboueur... Dans un cas comme dans l'autre, c'est une affaire de misère, et par conséquent cela ne concerne pas que les weshs. Les deux gamins qui ont volé des ordinateurs et essayé de les refourguer au camp de Roms dans le collège où bosse ma femme portaient des noms bien français (le département des Bouches-du-Rhône offre un portable à chaque élève entrant en quatrième, pour replacer le contexte). Et au fin fond de la Picardie, là où jamais un Maghrébin n'a mis le pied, ce sont de bons Gaulois qui lancent des cailloux sur les chiens de passage. Le sieur MC Circulaire vous racontera ça mieux que moi.
L'incivilité. C'est un fait, se faire insulter parce qu'on a eu le malheur de passer devant une tablée de Maghrébins, cela n'a rien de plaisant. Et contrairement à la question de la délinquance, le fait que ce soient des étrangers joue un rôle. En effet, la civilité, c'est un ensemble de codes de comportement acquis par l'éducation. Par conséquent, la capacité à apparaître bien éduqué auprès d'un groupe est inversement proportionnel à la distance culturelle qui nous en sépare. Un rustre bien gaulois semblera moins civilisé à la réception de l'ambassadeur que Rachida Dati ou Najat Vallaud-Belkacem, qui elles-mêmes seront pas trop guindées pour être cordialement reçues à Barbès. Et dans le cas qui nous intéresse, l'éducation « à l'Algérienne » présente un certain nombre de différences culturelles qui font obstacle à son acceptation en France. Il serait erroné de considéré que les weshs n'ont pas été éduqués. Un soir que je rentrais dans ma cité carpentrassienne, précédé de quelques pas par mes grand-parents, nous avons croisé quelques weshs ; leur première réaction a été de leur dire gentiment bonsoir, car la culture maghrébine a beaucoup de respect pour les vieux ; ensuite, ils se sont rendu compte que les vieux en question étaient avec moi, le « sale juif », alors ils ont lancé des cailloux sur la voiture, mais il n'empêche : leur éducation avait parlé. Seulement cette éducation comporte des aspects qui paraissent déplacés ici. Notamment, une organisation clanique de la société, et une défense farouche de ce qu'ils considèrent comme leur territoire : s'ils vous alpaguent quand vous entrez dans la cité, c'est qu'ils voient votre présence comme une agression. Notez bien que je n'approuve pas ce raisonnement, je ne fais que l'expliquer : j'estime pour ma part être en droit de leur inculquer à coups de fusil dans le museau la notion constitutionnelle de liberté d'aller et venir, alias « je suis dans mon pays, je vais où je veux »...
La misogynie. Là encore, un problème culturel. Et qui ne concerne pas que les weshs, mais aussi nombre de vieux Maghrébins. Pour eux, une femme qui ne porte pas le voile et/ou se déplace seule est une pute. Soit, c'est culturel. Mais cela n'a pas lieu d'être sur le territoire de la République. Insulter une femme parce qu'elle est en pantalon, ou parce qu'elle leur adresse la parole sans y avoir été invitée, c'est indécent. Obliger des femmes et des filles à porter la tente, ça mérite des coups de fusil. Refuser que sa fille ou son épouse soit examinée par un médecin homme, c'est criminel.
L'endogamie. Les populations d'origine maghrébine sont plus endogames que celles d'origine européenne. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est une étude de l'INSEE publiée en 2010. Celle-ci montre que les enfants d'immigrés européens sont à 90 % issus de couples mixtes (un immigré, un local), le taux est de 66 % pour les descendants d'Italiens et d'Espagnols, de 33 % pour les Portugais, et seulement 30 % pour les Africains, Maghrébins compris. Or, n'importe quel ethnologue vous dira que le refus de l’inter-mariage est source de tensions importantes. Il semble que cette particularité soit liée plutôt à l'Islam. On remarque la même tendance à l'endogamie chez les musulmans de l'île de la Réunion, qui sont pourtant implantés là-bas depuis plus d'un siècle et qui sont originaires non du Maghreb mais de l'Inde. C'est d'ailleurs la seule communauté qui soit source de conflits sur cette île, modèle de multiculturalisme réussi.
La victimisation. Dernière grand source de tensions avec les weshs, leur utilisation malhonnête des lois antiracistes. Toute critique à leur égard se voit transformée en incitation à la haine raciale. Un tel comportement est d'autant plus insupportable lorsque les mêmes se montrent ouvertement et impunément antisémites : votre serviteur en fait régulièrement les frais, comme vous le savez.

Pourquoi les weshs font-ils de très convenables boucs émissaires ?

Les raisons évoquées ci-dessus ne sont pas coutumières que des weshs. Pour ne parler que des immigrés, puisque l'on ne va pas choisir un bouc émissaire dans sa propre communauté, la moyenne délinquance se rencontre assez souvent chez les Roms, la misogynie chez les immigrés d'Afrique noire, l'endogamie chez les Portugais et la victimisation chez les Juifs. Mais les weshs les regroupent toutes, et ça fait beaucoup pour les mêmes personnes. Par ailleurs, non content de cela, ils se sont constitués en un groupe social délimité. Ils ont un sociolecte qui leur est propre, le « français des banlieues », reconnu comme tel par les chercheurs en linguistique. Ils ont également adopté un style de coiffure particulier, ainsi que des signes de reconnaissance : la fameuse petite sacoche en bandoulière. En d'autres termes, non seulement les weshs accumulent les motifs d'acrimonie, mais ils font en sorte d'être visuellement identifiables, et d'homogénéiser leur groupe social. Ce sont les victimes parfaites pour un sacrifice libératoire.

Pourquoi le FN a-t-il autant de succès sur la question ?

Il existe un problème indéniable avec les weshs. Là encore, ce n'est pas moi qui le dis, mais une enquête très sérieuse des RG : sur 436 meneurs de bandes de délinquants étudiés, 87 % ont la nationalité française, et 67 % sont d'origine maghrébine. Et tout problème appelle une solution. Le FN propose de renvoyer tous les Maghrébins au Maghreb, sauf quelques uns qui montreraient patte blanche. Enfin, pas trop grise, quoi... L'UMP propose de sélectionner les meilleurs d'entre eux par la discrimination positive pour les envoyer à Science Po, et de passer les autres au karcher. Le FdG et le NPA proposent d'abattre le capitalisme, et que le problème se réglera alors de lui-même. Le PS et son chien méchant SOS Racisme nient l'existence du problème, et recommandent au contraire de les aider à trouver du boulot. Chacun a sa préférence pour l'une ou l'autre solution. Celle du FdG serait sûrement la plus profitable pour tous le monde, mais celle du FN est la plus simple et la plus rapide. Et nous arrivons là au nœud du problème.

Le frontiste moyen est-il nécessairement xénophobe ?

Non. Cette réponse peut apparaître surprenante au vu de tout ce qui a été dit jusqu'ici, mais c'est pourtant la seule possible. Si le frontiste moyen vote pour le FN, ce n'est pas nécessairement par xénophobie, c'est parce que le FN propose la solution la plus simple et la plus rapide pour se débarrasser du bouc émissaire du frontiste. Et si les weshs ont ce rôle, c'est pour tout un faisceau de raisons (cf. supra), le fait qu'ils soient étrangers ne suffisant pas à l'expliquer. Dans les années 1790, de jeunes bourgeois oisifs occupaient leurs soirées en allant tabasser des passants au hasard, à grands coups de canne. Nul doute que si ces brave Français bien de chez nous représentaient de nos jours la source la plus visible de perturbation sociale — j'insiste sur l'importance de la visibilité : Michelin qui licencie sept mille personnes l'année de ses bénéfices records cause plus de tort à l'électeur moyen que Karim qui tague les murs, mais ça se voit moins et plus tardivement — non seulement le frontiste moyen laisserait les weshs tranquilles, mais en plus il voterait pour le Front de Gauche, qui proposerait la solution la plus simple et la plus rapide pour se débarrasser de ces racailles de bourgeois. D'ailleurs, je rappelle à toutes fins utiles qu'une bonne partie de l'électorat frontiste votait PC il y a encore trente ans...

Pourquoi tant de haine envers les frontistes ?

Notre démocratie va mal. Les médias, censés représenter un contre-pouvoir, sont presque intégralement entre les mains de grands groupes capitalistes ou sous perfusion de la publicité. La classe politique est noyautée par quelques grands partis, qui en plus sont poreux : Hollande embauche toute la promotion Voltaire, Huchon est sauvé de la taule par l'UMP, le PS fait cadeau d'une circonscription à Bernadette Chirac dont la fraude électorale a pourtant été démontrée, l'UMP et le PC se partagent les marchés juteux de la Petite Couronne, etc. La corruption règne dans les hautes sphères de l'État et des collectivités territoriales : Balardgone, Médiator, hippodrome de Compiègne, affaire Tapie, affaire Guérini, j'en passe et des meilleures. Notre démocratie est éminemment complexe et nombreux sont ceux à qui l'on peut donner une part de responsabilité dans sa décrépitude. Mais déterminer quelle part en est imputable à chacun, que voilà une tâche titanesque ! Si les plus fins analystes de ce pays n'y sont pas parvenus, comment reprocher à des esprits plus simples de chercher une solution plus simple ? C'est humain. En vérité, c'est plus que cela : nos amis les chimpanzés pratiquent eux aussi la technique du bouc émissaire. Et dans un certain milieu, on a décrété que le FN et ses électeurs feraient de très bons boucs émissaires. Il est vrai que les plus hautes instances du FN laissent parfois échapper quelque idée de projet limitant la démocratie en France. Il est si simple, si pratique alors de mettre tous les électeurs du FN dans le même panier, de les accuser de soutenir ces élans antidémocratiques, de les accuser de ce fait de tous les maux de notre démocratie ! Peut-on vraiment blâmer les gens qui pensent ainsi ? Il est plus simple d'agir ainsi que de se demander pourquoi deux des principaux droits de l'Homme donnent à un patron le droit de mettre son personnel à la porte pour son seul profit et de prendre les armes si l'État se pique de l'en empêcher... (article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen)

En quoi est-ce une erreur de diaboliser le FN ?

Pour la même raison que les lois mémorielles sont une connerie sans nom. Pour rappel, les lois mémorielles, ce sont ces lois qui font de la négation des camps d'extermination un délit. Ainsi, au lieu d'expliquer à un jeune nazillon pourquoi on est certains que les camps ont existé, on peut désormais se contenter de lui répondre « Ta gueule, t'as pas le droit de dire ça », le confortant de ce fait dans son opinion qu'un grand lobby judéo-maçonnique essaye d'étouffer la vérité. Monsieur Odieux Connard a écrit des choses vachement bien sur le sujet. Il en va de même avec les électeurs du FN. En s'efforçant de leur interdire l'espace public, on nie que leurs revendications puissent être légitimes — ne pas se faire insulter en allant faire ses courses, ne pas croiser de fantôme à chaque coin de rue, avoir un travail aussi rémunérateur que le trafic de shit en bas de l'immeuble... — et ce faisant on les pousse à l'extrémisme. Alors qu'en discutant avec eux, on peut leur faire prendre conscience qu'en votant FN, leur tranquillité dans la cité sera au prix d'un État policier. On peut aussi prendre conscience nous-mêmes que les solutions du FN ne sont pas totalement stupides : en les adaptant, on peut essayer d'obtenir un compromis acceptable, qui permette d'offrir un peu de calme au frontiste moyen et au maghrébin intégré moyen le temps d'abattre le capitalisme ! Quant aux revendications qui ne nous semblent pas légitimes — fermer les frontières à l'immigration — qui sommes-nous pour décider qu'elles n'ont pas leur place dans le débat public ? Le NPA veut interdire les licenciements, le FdG veut instaurer un revenu maximum, Europe Écologie veut abandonner le nucléaire, l'UMP veut déréguler complètement l'économie. Chacun de ces projets, s'il venait à être appliqué, serait aussi lourd de conséquences — oserai-je dire dangereux ? — que les propositions les plus controversées du FN. Et pourtant, personne ne songe à censurer ces partis !

Et le problème des weshs, comment on le règle ?

Vaste question, à laquelle je me garderai bien de répondre de manière définitive. Mais je pense que la première chose à faire, c'est de traiter les weshs comme ce qu'ils sont : des citoyens français comme les autres. Ce n'est pas parce qu'ils sont d'origine maghrébine qu'il faut se montrer plus conciliant à leur égard. Quand des jeunes de ma cité ont caillassé les pompiers venus éteindre la voiture qu'ils avaient incendiée, la police n'aurait pas dû les disperser au flashball, elle aurait dû faire une descente dans les immeubles et mettre tous ces connards au gnouf. Comme elle l'aurait fait s'ils s'étaient appelés Clavel ou Soubeyrous. Et j'emmerde SOS Racisme. Profondément.

9 juin 2013

Foramen ad obstruendum

Un long billet est en préparation, mais je manque de temps pour le taper et le compléter. Aussi, pour faire patienter mes lecteurs les plus assidus (je ne sais même pas pourquoi je mets un pluriel ici (ah, mon ego me glisse à l'oreille que c'est un amendement de sa part)), voici une petite curiosité tirée des archives que j'inventorie en ce moment. Je n'ai pas de date précise, mais l'écriture est indubitablement du XVIIIe siècle. Voici le texte.

Depuis l'ofre que je fils le 23 de juliet dernié à Mr le mère, j'ofre pasant isy de rependre le cadran de l'orloge à l'uille et an oultre de faire une montre solaire à l'androy quy me sera endiqué par la coumunoté, auqel androy l'on fera faire par un mason l'estage et anduire et alisé l'androy à la gaz, et la despanse que je demande de quatre jours je m'an dépar et sera sur mon conte.

Ce document est intéressant, parce que c'est une des rares pièces dont on dispose qui n'ait pas été écrite par un membre de la classe supérieure, c'est à dire ayant reçu une éducation en bonne et due forme : c'est un simple artisan. Et cela permet de faire quelques remarques sur l'orthographe de la classe moyenne dans le sud-est. En effet, bien que le texte soit strictement en français, et que ce puisse tout à fait être la langue maternelle de l'auteur, étant donnée l'absence de faute de langue grossière, l'orthographe est empreinte d'occitanismes.
On remarquera en premier lieu le fait que le /s/ sourd est écrit avec un <s> simple, comme dans pasant au lieu de passant. En second lieu, l'orthographe trahit quelques prononciations méridionales. L'occitan a souvent un son /ou/ à la place des /o/ fermés du français, et notre scripteur l'a laissé échapper dans coumunoté. Par ailleurs, la forme juliet est indubitablement issue de l'occitan julhet qui se prononce à peu près /djulyèt/. Enfin, beaucoup plus marquante est la question des nasales. En effet, faisant totalement fi des habitudes du français, le scripteur écrit systématiquement <an> pour le son /an/ et <en> pour le son /in/ (rependre pour repeindre et endiqué pour indiqué) : c'est là le standard adopté par l'occitan, où le digraphe <in> se prononce /ine/.
Voilà tout ce qu'on peut en dire, mais je pense que l'anecdote est amusante.