31 décembre 2012

Et toi, à quoi tu joues ?

Les rédacteurs du magazine 42 ont fait comme chaque année leur top 3 des meilleurs jeux vidéos auxquels ils ont joué au cours de l'année. Si l'originalité est au rendez‑vous chez un certain nombre d'entre eux, on ne peut que regretter l'absence de jeux libres, ou au minimum jouables sur Linux. Voici donc ma petite sélection, qui doit correspondre à l'ensemble des jeux que j'ai découverts cette année, étant donné que je ne suis qu'un vilain casu.

Frogatto

Là, on tape dans le jeu non seulement jouable sur Linux mais réellement libre. C'est un jeu de plate-forme, qui tout en reprenant tous les classiques de ce type de jeu n'en est pas moins unique. Je vais cependant commencer par ce que je n'aime vraiment pas. Ce jeu se veut un hommage à la SNES. Niveau graphismes, ça donne un résultat intéressant, avec des dessins pixelisés, mais malgré tout très agréables. Pour le reste, en revanche... Je trouve la bande-son horripilante, mais je suppose qu'un amateur de musique 8‑bits y trouverait plus de plaisir que moi. Ce qui est vraiment insupportable, c'est la maniabilité : pour un jeu casu, il est objectivement difficile. Au départ, j'ai pensé que c'était moi qui étais mauvais, mais en voyant des vidéos de soluce sur Internet, j'ai pu me rendre compte que ce n'était pas juste moi. Le tir, tout particulièrement, est ardu. Car le personnage que l'on incarne n'est jamais qu'un grenouille ; et si cela lui permet de ne pas craindre l'eau comme dans de nombreux jeu de plate-forme, cela le rend très vulnérable. De nombreux ennemis sont inattaquables, et un certain nombre ne le sont qu'en leur lançant des objets ou d'autres ennemis dessus. Et c'est là que le bât blesse : les tirs ne sont pas droits, mais légèrement en cloche. On ne peut pas se contenter de tirer sur un ennemi en face de soi, car s'il est un poil trop près, on le lobe. De même, tirer sur un ennemi en vol tient de la gageure.
Mais ces désagréments sont compensés par ce qui fait le vrai bon point du jeu, à savoir l'humour absurde dans lequel il baigne. Votre personnage n'a rien d'un héros : c'est un grenouille glandeur, vénal, râleur et imbu de lui-même. L'histoire commence à allant fouiller la chambre de son colloc pour lui chourer ses économies, avant que celui‑ci ne vous houspille pour que vous vous décidiez enfin à trouver du boulot. Puis, un peu plus loin, lorsqu'une amie en détresse vous demande de l'aide, vous commencez par demander combien elle paye. Quant à la quête en elle-même, elle n'existe pas réellement ; l'histoire suit son cours au gré des événements extérieurs, et Frogatto ne se sent jamais investi d'une mission particulière : il se contente d'aller voir ce qui se passe, et de se sortir des ennuis quand il en rencontre.

Blocks that matter

Petite création indépendante d'un mini-studio de deux Français, il s'agit d'un jeu alliant puzzle et plate-forme. Deux programmeurs ont été kidnappés par quelque malandrin, et un robot de leur invention vient les chercher. Pour ce faire, le robot, que le joueur incarne, doit collecter des blocs de diverses matières — d'où le titre — puis les ré‑assembler quatre à quatre et les disposer à quelque endroit de son parcours, de manière à franchir les obstacles qui se dressent entre lui et le portail de changement de niveau. Évidemment, chaque matière a ses spécificités qu'il faut exploiter à bon escient, d'où l'aspect puzzle. D'autant que terminer le niveau en utilisant le minimum de blocs donne un bonus. Dans l'ensemble, le jeu est vraiment bien foutu. Les puzzles ne sont en eux-mêmes pas très compliqués, permettant de jouer sans trop se prendre la tête, mais obtenir le « bloc secret » de chaque niveau se révèle une autre paire de manche, permettant d'ajouter un niveau de difficulté pour ceux qui le veulent. Je soupçonne d'ailleurs que certains de ces blocs secrets ne se peuvent atteindre qu'en revenant à ce niveau plus tard dans le jeu, après avoir gagné une amélioration supplémentaire. En effet, vous démarrez le jeu avec une simple perceuse, mais dans certains niveaux, une machine peut vous améliorer, par exemple en vous offrant un foret plus efficace capable de récolter un nouveau type de roche.
Les graphismes sont mignonnets sans faire dans la débauche artistique, la bande son et les bruitages accompagnent gentiment sans devenir relous. Et si vous n'êtes pas encore convaincus, sachez que ce jeu est si peu cher que je l'ai même acheté, au lieu de l'emprunter à un ami, comme je fais normalement. Avec les soldes, il est en ce moment à moins de un euro, c'est dire !

Sonny

Car les jeux jouables sous Linux, ce sont aussi les jeux Flash. Oui, Flash c'est le mal, mais personne ne développe encore de jeux en SVG interactif, alors il faut bien se contenter de ce que l'on a. Sonny, c'est un jeu de zombis. Sauf qu'au lieu de les dézinguer comme à votre habitude, vous en incarnez un. Sonny, de son nom. Le scénario tient sur une tranche de PQ : Sonny se réveille sur un bateau, zombifié et amnésique, mais en ayant conservé sa conscience, au contraire de tous ses anciens petits camarades ; ensuite de quoi, il va s'efforcer de trouver des réponses à ses questions, en tabassant tous ceux qui se mettront dans son passage.
Au final, ça donne quoi ? Un RPG de baston. Fondamentalement, à l'exception de quelques dialogues de ci de là, l'histoire est entièrement linéaire, et composée exclusivement de combats les uns à la suite des autres. Sauf qu'il faut améliorer ses compétences, apprendre de nouveaux coups spéciaux, et améliorer son matériel pour être plus efficace en combat. Car si les premiers combats se remportent en un tournemain, la difficulté augmente assez vite, d'autant que l'on se voit doté d'un partenaire — qu'on ne contrôle pas vraiment, on ne peut que lui donner un profil général de comportement — et que les adversaires sont rarement seuls et s'entraident. Ceci, ajouté au système de tour par tour, rend nécessaire le développement d'une stratégie adaptée à chaque combat, ce qui en fait un jeu beaucoup plus porté sur la réflexion que le résumé ne pourrait le faire croire. La musique est répétitive à la longue, mais assurément entraînante, et donne du cœur à l'ouvrage. De manière plus succincte, ce jeu est le seul qui m'ait jamais tenu éveillé jusque tard dans la nuit.
Pour finir sur les aspects négatifs, j'en citerai deux. Tout d'abord, une part d'aléatoire parfois rageante. Il est, par exemple, un combat qui peut se dérouler de deux manières, selon le choix tactique de l'adversaire : ou bien il vous attaque principalement vous, et avec l'aide de votre associé soigneur, et en jouant finement, vous finirez par l'emporter de pas grand chose ; ou bien il commence par pilonner votre trousse de secours ambulante, la tuant en quelques tours, et dès lors il ne reste plus qu'à se suicider, le combat étant par trop inégal. Et c'est purement au hasard que ce choix se fait : alors le combat est déjà assez difficile en soi, sans en plus perdre régulièrement des tours pour rien juste à cause d'une saloperie de moteur aléatoire ! Ensuite, le dosage assez moyen de la difficulté. En effet, le combat contre la combinaison chamane-de-la-vie + chamane-de-la-mort + totem au troisième tableau est à mon avis le plus difficile de tous, et de manière générale, le troisième tableau est plus ardu que le quatrième.
Il y a eu une suite, Sonny 2, dont la fin laisse présager un Sonny 3 qui se fait attendre, mais je trouve cette suite moins agréable à jouer : dans le premier opus, le choix de départ d'un type de personnage déterminait les caractéristiques de départ et leur évolution « naturelle » aux prises de niveau, mais les compétences spéciales étaient les mêmes pour tout le monde ; dans le deuxième, au contraire, l'arbre des compétences est différent pour chaque type, ce qui à mon avis limite la variété de jeux possibles, faute de pouvoir combiner.

Et pour la suite ?

Ma seule attente pour l'an prochain (ou plus tard, va-t'en savoir...) c'est Seasons after Fall du même studio que Blocks that Matter. Les graphismes sont superbes, la musique douce, et le jeu a l'air bucolique à souhait. Et surtout entièrement pacifique, ce qui est plutôt rare. Le principe serait de guider un renard dans un paysage qui change en fonction des saisons, et d'utiliser ce changement de saisons à bon escient pour progresser. Regardez la vidéo de présentation, elle est beaucoup plus parlante que toute description que je pourrais faire.

30 décembre 2012

Plus près de toi, mon Dieu...

S'il est un point sur lequel toutes les religions sont gaillardement œcuméniques, et plutôt deux fois qu'une, c'est quand il s'agit de taper sur les athées. Qu'on soit musulman chiite, chrétien anglican, juif ultra-orthodoxe ou même hindouiste, un maudit incroyant reste un salaud de mécréant ; et les ennemis de ses ennemis étant ce qu'ils sont, on ne rechigne pas à s'allier en faisant fi des confessions et des convenances pour fustiger, blâmer, vilipender voire molester les empêcheurs de prier en rond. Ou tourné vers la Mecque, si vous préférez.
Tout particulièrement, les calotins de tous poils, y compris sur le menton 1, s'accordent à affirmer que sans la religion en général et la leur en particulier, il n'y aurait pas de morale. En effet, expliquent-ils doctement, comment un homme pourrait-il s'empêcher de faire le mal sans avoir de compte à rendre à une entité supérieure, capable de le surveiller en tous les lieux, par tous les temps 2 ? Ça, c'est la version de Papa Ratzi, le pape sorti des jeunesses hitlériennes, quand il donne des leçons au monde 3, parce qu'il a fait des études, ou du moins ses nègres en ont fait. Le croyant moyen, lui, sera plus fruste dans sa formulation, et vous gratifiera d'un « Si tu crois pas en Dieu, si tu crois pas à l'enfer, pourquoi tu vas pas tuer des enfants, après tout, tu risques rien ? » bien senti, ou autre à l'avenant. Il est bien sûr possible de nier, d'affirmer avec force conviction que son interlocuteur se trompe 4, et qu'il est tout à fait possible d'avoir une morale en dehors de la religion. Mais on court au dialogue de sourds. Aussi, il m'est venu cette petite réflexion, que vous aurez sans doute l'occasion de replacer : à moins de ne fréquenter strictement que des athées, il est inévitable un jour où l'autre d'aborder ce sujet.
On le sait, si la religion impose des cadres moraux, ce n'est en aucun cas un frein absolu — ni même juste efficace, à mon sens — à la propension des hommes à faire le mal, quoi que ce concept recouvre, là n'est pas la question. Quand l'autre a dit « que celui qui n'a jamais pêché lui lance la première pierre », on s'est bien rendu compte de la moralité des uns et des autres. Là où réside vraiment la différence entre un athée et un croyant, c'est que lorsqu'un croyant fait le bien, on ne peut jamais totalement exclure que ce soit dans le but de se faire bien voir de son ami imaginaire : ce n'est pas nécessairement conscient, mais le doute demeure. Alors que si un athée fait une bonne action, c'est seulement pour la satisfaction de faire le bien : il n'y a pas de jury de la Star Ac' version céleste auprès de qui il doit faire ses preuves, c'est indubitablement par pure bonté qu'il agit. Et ça, il ne faut pas l'oublier, au moment de vanter la supériorité de la morale religieuse sur la morale profane ou l'absence supposée d'icelle.
Amen.

1 Merci Didier Porte.
2 Merci Georges.
3 Merci Leo Strauss. Ben oui, ce n'est pas Mike Godwin qui a inventé le point du même nom ...
4 Ou que sa maman a une morale douteuse, au choix.