3 juillet 2013

Cruda verba

Et bien voilà, aujourd'hui nous avons atteint le stade fatidique de 1000 visites sur ce blog. Je tiens à remercier tous mes lecteurs, mais plus encore blogsrating.pw (ne suivez pas le lien) : sans ton spam incessant, rien de tout cela n'aurait été possible.

Alors pour réjouir tout le monde, je vais vous parler de grivoiseries, ou plutôt de mots pour en parler. En français, lorsque l'on veut parler de basses fonctions corporelles sans être trop vulgaire, on utilise beaucoup de mots latins (pénis, anus) ou empruntés directement à icelui (déféquer, uriner, vagin). À tel point qu'au XVIIe siècle, « faire du latin » était une manière détournée de dire qu'on allait « faire des chocapics ». Mais en latin même, ces mots étaient des euphémismes : « penis » signifie « queue », « vagen » signifie « fourreau », etc. Pourtant, cette belle langue de nos ancêtres possédait un vocabulaire riche et varié, parfois même plus que le nôtre, pour parler de ces choses-là. Certains mots sont parvenus jusqu'à nous : foutre, con, cul, couilles ou encore merde nous arrivent directement du Ier siècle avant JC. La plupart ont disparu ou n'appartiennent plus qu'à la langue ultra-littéraire. Je vous propose un petit tour de la question, où nous verrons comment les mots auraient pu évoluer.

À tout seigneur tout honneur, parlons de bite. Le latin possède deux mots pour cela : « mentula, ae » et « verpa, ae ». Le second est assez rare, et donnerait *verpe en français, ce qui ressemble par trop à verge. Le premier est plus intéressant. Il a été emprunté au XVIe siècle sous la forme mentule, qui existe toujours de nos jours, mais est vieillotte. Il est difficile de savoir avec certitude comment le mot aurait évolué naturellement, mais on peut se fonder sur l'italien où le mot existe encore sous la forme minchia : l'équivalent français serait sans doute *mencle.
Le latin possède également le mot « sōpio, ōnis », qui désigne un dessin d'un homme avec une énorme bite : en français, ce serait devenu un *soujon, sur le modèle de goujon < gōbio, ōnis. Mesdames, vantez-vous auprès de vos amies d'avoir un soujon à la maison, ce sera du plus bel effet !
Le mot clitoris, lui, vient du grec. Cela s'explique par le fait que le mot latin « landīca », de même sens, était extrêmement vulgaire : même les auteurs les plus portés sur la gaudriole l'évitaient, on n'en trouve la trace que sur des graffitis. Il a pourtant perduré jusqu'en ancien français, sous la forme landie. Le dictionnaire Godefroy cite cet extrait du Roman de Renart : « Les dames l'apelent lendie // Por ce qu'ele est enmi le con. » = « Les dames l'appellent landie // Parce qu'elle est au milieu du con. » Messieurs, avouez que c'est un mot plus glamour que clito...

Nos ancêtres possédaient un riche vocabulaire autour de la sodomie. Ainsi, ils opposaient « pathicus, ī » et « paedīco, ōnis ». Le premier est un sodomite passif, et le second est un sodomite actif : il est important de noter que le deuxième partenaire peut être aussi bien un homme qu'une femme, dans un cas comme dans l'autre. Les mots, s'ils se fussent transmis au français, seraient devenus respectivement *péique et *pédillon. Ce dernier vient du verbe « paedīco, āre », signifiant simplement enculer, et qui donnerait en français *pédiller. Si l'on veut parler d'un homme qui ne se fait enculer que par des hommes, le terme était alors « cinaedus », ce qui aurait évolué en *cénoid, que l'on peut orthographier *cénoit pour bien marquer que la consonne finale est purement orthographique.
Dans le même ordre d'idée, ils utilisaient une belle paire de verbes pour signifier « se faire fourrer, remuer les hanches », ce que les anglophones disent « grind ». Il s'agit de « cēveo, ēre » et « criso, āre » : le premier s'applique uniquement aux hommes, et le second uniquement aux dames. Le second donnerait criser en français, et ne peut donc plus être utilisé. On devra donc se contenter de *cevoir, à conjuguer comme son grand frère recevoir, pour les deux sexes.

Pour les fonctions excrétrices, le latin connaissait « meio, ere » et « mingo, ere » pour pisser, et « cunio, īre » pour chier. Meio ne donnerait rien en français, en revanche mingo pourrait donner *meindre sur le modèle de feindre qui vient de fingo. Quant à cunire, cela serait devenu tout simplement *conir, sympathique verbe du deuxième groupe.
Enfin, pour terminer en beauté, je vous présente le mot « tribas, adis » qui signifie lesbienne. C'est un emprunt au grec, dans laquelle langue il signifie « frotteuse », car les goudous se frottent la moule. Au XVIe siècle, on l'a emprunté sous la forme tribade, qui est tout à fait utilisable. S'il avait évolué normalement, il aurait pu donner *troide, qui aurait été trop proche de Troade, ou plus vraisemblablement *troive.

Vous voici désormais armés d'une petite dizaine de mots pour parler de conchoncetés l'air de de ne pas y toucher, ce qui est toujours bon à prendre. Et pour ceux qui se poseraient la question, oui, les formulations ambiguës dans le corps du texte sont volontaires. Et si cela ne vous plaît pas, aller donc vous faire pédiller !

1 commentaire:

  1. « Cinædus » n’aurait pas plutôt donné « cenié » ? Il me semble que æ donne régulièrement un e ouvert, donc diphtonguant en « ie » et non en « ei ». (Je requiers/conquiers, le ciel... mais la proie, c’est vrai...)

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